葬花吟
Elles sont flétries les corolles, Dont tout pétale au vent s’envole, Et de ces vols le ciel est plein !
Qui prend pitié de leurs couleurs fanées? Qui prend pitié de leurs parfums défunts? Mollement mêl és, des filandres, S’en vont flotter et redescendre Sur les pavillons au printemps, Et les duvets de peuplier
Viennent, légers, s’embarrasser Aux dessins des stores baissés.
La belle, au gynéc ée, se plaint
Du printemps qui touché au decline ; Son cœur qui s’emplit de tristesse Ne sait où tromper son chagrin. Elle sort, piochette en main,
Loin des brocarts, passe aux jardins, Tourne, retourne, apitoyée,
Sur les petales effeuillés,
Qu ’il lui fait bien fouler aux pieds.
Chatons de saules et samares,
De leur propre odeur contentés N’ont nul souci des fleurs tombées, Ni du pêcher ni du prunier!
Quand reviendra le reverdi,
Le pêcher, le prunier aussi,
Auront de nouveau refleuri;
Mais au prochain printemps ,qui sait Qui vivra dans le gynéc ée ?
En tierce lune, l’hirondelle,
Sous le toit, entre les poutrelles, Au fini de bâtirson nid;
Mais, si volage, prévoit-elle
Que, dès la floraison prochaine, Les fleurs, oui, auront refleuri,
Qu ’à son bec s’offiront des graines, Mais qu’à jamais seront partis Les anciens maîtres du logis,
Laissant la veranda déserte,
Et, sous le toit, son nid détruit?
Ces fleurs, tour à tour menacées, Trios cent soixante jours par an, Par les dards du givre et des vents, Combien d’heures leur sont laissées , Pour refleurir dans le fraîcheur Et la splendeur de leurs couleurs? Encore ont tôt fait leurs pétale De s’éparpiller dans l’espace,
Sans qu’on puisse en suivre les traces!
Les avoir vues s’épanouir,
Et ne savoir où recueillir,
Si vite effeuillés, leurs pétales! De quel deuil ale cœur navré, Celle, seule au pied des degrés, Qui sait,ces fleurs, les enterer! Gardant, en ses mains désol ées, Sa pioche inutilisée,
Elle verse en secret des pleurs, Qui, sur les tiges denudées,
Vont s’écouler, en y laissant,
Tout au long ,des traces de sang.
La plainte du coucou s’est tue, Et le crépuscule est venu.
Pioche à l ’épaule, elle rentre, Et, toutes portes bien fermées, Se retire seulement en sa chambre. Sa lampe à flamme verte luit Sur le vieux mur accoutumé.
A côt é, tout s’est endormi.
Une averse bat ses croisées.
Son lit n’a pas ét é chauff é.
Pourquoi me blâmer, si mon âme Souffre une double peine en moi? C’est que ce printemps qu’on acclame, Je l’aime et le bais à la foi.
Je l’aime d’arriver si vite,
Je le hais de s’enfuir si tôt,
Lui qui, sans souffler mot, nous quitte, Étant venu sans souffler mot.
J’ai, l’autre nuit, de ma fenêtre, Entendu des chants de douleur. Étaient-ce des âmes de fleurs,
Ou des âmes d’oiseaux peut-être? Se peut-il,d’oiseaux ou de fleurs, Qu ’à g émir des âmes demeurent? L’oiseau se blottit en silence,
La fleur s’eteint dans sa pudeur.
D ès à present, comme aux oiselles, Que ne me pousse-t-il dans ailes, Pour m’envoler, avec les fleurs, Au plus haut des cieux!...
Mais, là-haut,
Leurs parfums, qu’ont-ils pour tombeau?
Mieux vaut, dans un sac de brocart, Recueillir leurs restes épars,
Leur ménager, pour tombe ,un peu De terre encor vierge comme eux, Et les gardant des vils mélanges Dans les égouts,avez la fange, Aider à p érir leur substance, Aussi pure qu’à la naissance.
Ces fleurs que j’enterre aujourd’hui, Quand les suivrai-je dans leur nuit ? Moi don’t on raille la folie
Pour les fleurs que j’ensevelis, Sais-je pour qui viendra le jour De m’ensevelir à mon tour ?
La fleur qu’effeuille le passage
D’un printemps trop bref, n’est-ce pas La belle dont le clair visage
Sa fane, et qui touche au trépas ? Un beau jour, leur printemps fini, Et le clair visage flétri,
La belle meurt, la fleur périt,
D’elles plus rien n’est-ce pas su ni dit.
葬花吟
Elles sont flétries les corolles, Dont tout pétale au vent s’envole, Et de ces vols le ciel est plein !
Qui prend pitié de leurs couleurs fanées? Qui prend pitié de leurs parfums défunts? Mollement mêl és, des filandres, S’en vont flotter et redescendre Sur les pavillons au printemps, Et les duvets de peuplier
Viennent, légers, s’embarrasser Aux dessins des stores baissés.
La belle, au gynéc ée, se plaint
Du printemps qui touché au decline ; Son cœur qui s’emplit de tristesse Ne sait où tromper son chagrin. Elle sort, piochette en main,
Loin des brocarts, passe aux jardins, Tourne, retourne, apitoyée,
Sur les petales effeuillés,
Qu ’il lui fait bien fouler aux pieds.
Chatons de saules et samares,
De leur propre odeur contentés N’ont nul souci des fleurs tombées, Ni du pêcher ni du prunier!
Quand reviendra le reverdi,
Le pêcher, le prunier aussi,
Auront de nouveau refleuri;
Mais au prochain printemps ,qui sait Qui vivra dans le gynéc ée ?
En tierce lune, l’hirondelle,
Sous le toit, entre les poutrelles, Au fini de bâtirson nid;
Mais, si volage, prévoit-elle
Que, dès la floraison prochaine, Les fleurs, oui, auront refleuri,
Qu ’à son bec s’offiront des graines, Mais qu’à jamais seront partis Les anciens maîtres du logis,
Laissant la veranda déserte,
Et, sous le toit, son nid détruit?
Ces fleurs, tour à tour menacées, Trios cent soixante jours par an, Par les dards du givre et des vents, Combien d’heures leur sont laissées , Pour refleurir dans le fraîcheur Et la splendeur de leurs couleurs? Encore ont tôt fait leurs pétale De s’éparpiller dans l’espace,
Sans qu’on puisse en suivre les traces!
Les avoir vues s’épanouir,
Et ne savoir où recueillir,
Si vite effeuillés, leurs pétales! De quel deuil ale cœur navré, Celle, seule au pied des degrés, Qui sait,ces fleurs, les enterer! Gardant, en ses mains désol ées, Sa pioche inutilisée,
Elle verse en secret des pleurs, Qui, sur les tiges denudées,
Vont s’écouler, en y laissant,
Tout au long ,des traces de sang.
La plainte du coucou s’est tue, Et le crépuscule est venu.
Pioche à l ’épaule, elle rentre, Et, toutes portes bien fermées, Se retire seulement en sa chambre. Sa lampe à flamme verte luit Sur le vieux mur accoutumé.
A côt é, tout s’est endormi.
Une averse bat ses croisées.
Son lit n’a pas ét é chauff é.
Pourquoi me blâmer, si mon âme Souffre une double peine en moi? C’est que ce printemps qu’on acclame, Je l’aime et le bais à la foi.
Je l’aime d’arriver si vite,
Je le hais de s’enfuir si tôt,
Lui qui, sans souffler mot, nous quitte, Étant venu sans souffler mot.
J’ai, l’autre nuit, de ma fenêtre, Entendu des chants de douleur. Étaient-ce des âmes de fleurs,
Ou des âmes d’oiseaux peut-être? Se peut-il,d’oiseaux ou de fleurs, Qu ’à g émir des âmes demeurent? L’oiseau se blottit en silence,
La fleur s’eteint dans sa pudeur.
D ès à present, comme aux oiselles, Que ne me pousse-t-il dans ailes, Pour m’envoler, avec les fleurs, Au plus haut des cieux!...
Mais, là-haut,
Leurs parfums, qu’ont-ils pour tombeau?
Mieux vaut, dans un sac de brocart, Recueillir leurs restes épars,
Leur ménager, pour tombe ,un peu De terre encor vierge comme eux, Et les gardant des vils mélanges Dans les égouts,avez la fange, Aider à p érir leur substance, Aussi pure qu’à la naissance.
Ces fleurs que j’enterre aujourd’hui, Quand les suivrai-je dans leur nuit ? Moi don’t on raille la folie
Pour les fleurs que j’ensevelis, Sais-je pour qui viendra le jour De m’ensevelir à mon tour ?
La fleur qu’effeuille le passage
D’un printemps trop bref, n’est-ce pas La belle dont le clair visage
Sa fane, et qui touche au trépas ? Un beau jour, leur printemps fini, Et le clair visage flétri,
La belle meurt, la fleur périt,
D’elles plus rien n’est-ce pas su ni dit.